(EN ATTENTE DE VALIDATION SULLIVAN) James + I spun on my wheel like a laboratory rat

James Thybalt Durden

And in the bathroom mirror I see me vomit in the sink and all through the house we hear the hyena's hymns

Caractère

Les qualités, il doit bien en avoir, James. Quelque part. Bien cachées. Il y a celles qu’il feint dans les réceptions et dans son travail : souriant, poli mais déterminé, charmeur lorsque cela s’avère nécessaire – peu résistent à son charisme. Du vent. On voit en lui un homme de goût et raffiné. Tout ce qu’on lui a appris à être. La belle façade, les poignées de main. Peu connaissent son autre côté, c’est surtout sa femme qui le subit. Elle subit les colères et la distance, les heures de silence et les cris parfois, elle les lui rend d’ailleurs. Au fond c’est peut-être elle qui le connaît le mieux et pourtant elle ne sait presque rien de lui, quinze ans aux côtés de quelqu’un d’aussi secret que James ne suffisent pas. Parce que ses secrets sont indicibles, ses secrets le terrifient. Pourtant, si on arrive à entrouvrir la porte, alors on apercevra quelqu’un de passionné, capable de parler des heures des sujets qui l’intéressent, l’art en particulier. C’est juste que James passe tant de temps avec son masque d’apparences qu’au fond, lui-même ne sait pas vraiment qui il est. Lui-même a encore tout à découvrir de lui.

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Derrière l'écran

Histoire

C’est un disque de jazz et ça l’énerve, James. Pourquoi est-on forcément obligé d’aimer le jazz ? En quoi le jazz est-il plus acceptable que les autres genres musicaux, exactement ? Plus le temps passe, et moins il supporte. Ca fait comme une brume dans sa tête, une brume noire et brûlante qui envahit tout de questionnements incessants. Pourquoi le jazz, pourquoi l’église, pourquoi une femme, et pourquoi cette putain de cravate. Alors il se verse une nouvelle rasade de bourbon, et la brume s’estompe un peu. Juste un peu. Il observe Eliza à l’autre bout du canapé, elle est belle évidemment. Ca fait au moins une demi-heure qu’ils n’ont pas échangé un mot, elle garde les yeux sur son livre, lui au fond de son verre. Les soirées sont de plus en plus insupportables, pour elle comme pour lui, mais il ne peut tout de même pas s’éclipser tous les soirs. Il s’en voudrait trop. Il s’en veut de ne pas l’aimer comme il devrait. N’importe quel homme serait chanceux d’être marié à une femme telle qu’Eliza. Elle mérite tout, Eliza. Elle mérite d’être heureuse et il sait bien qu’elle ne l’est pas. Pas tant qu’il est là, pas tant qu’il est absent non plus.
Au début, elle a fait des efforts. Elle s’est dit que s’il voyait une autre femme, c’est qu’elle n’était sûrement pas assez. Il aurait voulu lui dire qu’elle n’y était pour rien, qu’elle était parfaite. Que c’était lui qui avait un problème. Il aurait voulu dire tant de choses et il ne parvient même pas à les formuler dans son esprit. Le bourbon fait taire les murmures, gorgée après gorgée. Et pourtant, il l’aime, Eliza. Pas au début, bien sûr, au début son père les avait présentés, et il avait fait ce qu’on attendait de lui comme toujours. Il l’avait courtisée et il l’avait épousée, elle était tombée dans le piège car il jouait son rôle à la perfection. Au début. Mais avec le temps, le masque finit par se fissurer, de plus en plus. Il n’arrive plus à faire semblant. A travers les fissures s’infiltre l’amertume, elle se traduit en froideur. Il est détestable avec elle parfois, elle ne se laisse pas faire. Parfois les verres volent et chaque éclat se plante dans son cœur car avec l’amertume, ce sont les sentiments qui s’insinuent. Ceux qu’il ressent, ceux qu’il ne ressent pas aussi. Leur absence cruelle. Toute l’estime qu’il a pour elle et tout l’amour qu’il n’a pas. C’est autre chose, au-delà de l’obligation, au-delà des apparences, quelque chose de sincère. Mais pas d’amour. Pas de désir. Rien. Comme les messes et les disques de jazz, les soirées à ses côtés s’enchaîne quand il ne la fuit pas pour céder à ses envies, celles qu’il n’ose pas nommer. Celles qu’il voudrait oublier. Elles le hantent depuis si longtemps, James, depuis le début de l’adolescence, quand il a commencé à ressentir ces choses qu’il n’aurait pas dû. Fils unique, fils chéri, fils prodigue et héritier, il n’avait aucun droit de décevoir ses parents, de dévier du droit chemin. Personne à qui se confier, seul avec ses démons, à devoir les faire taire, tant d’années de silence. Il les avale avec encore une rasade de bourbon. Sa jambe le lance, comme à chaque fois qu’il commence à boire un peu trop – souvenir de l’accident. Le signal que son inconscient lui envoie – attention, tu franchis la ligne. Continue et tu pourrais tuer ta femme cette fois-ci, ou pire encore te réveiller à nouveau à côté d’un homme. Mais il ne risque rien ce soir. Pas de voiture et pas de bar. Juste lui, Eliza, le jazz, le bourbon, et ses putains de démons. « A quoi tu penses ? » elle demande d’une voix douce. « A rien. Juste le travail. » Souvent, Eliza essaye de comprendre. Face à elle il se glace. Il ne veut pas la blesser plus qu’il ne le fait déjà au quotidien. Il devrait tout lui dire, la laisser partir, lui rendre la vie qu’il lui vole chaque jour. Lui parler d'elle et puis de lui, lui dont il n'ose même pas prononcer le nom en pensée, lui avec ses putains d'yeux bleus - dieu qu'ils l'énervent ces yeux bleus à ne pas vouloir quitter son esprit. A la place, il fait semblant que ça n’existe pas, et c’est très bien comme ça. Au fond, c’est comme ça qu’il a toujours fait.

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