Daquan C. Morisset

Daquan C. Morisset

There's Bravery in being "soft".

Caractère

Si l’on s’arrête sur Daquan, c’est déjà un miracle. L’homme se fond dans le décor, présente un calme et un silence qui aide à l’oublier. Il n’est qu’un parmi des milliers, incapable de s’avancer ou de se mettre en valeur – et quand il s’y risque, c’est avec maladresse –. La gestuelle timide, pataude Daquan est aisément impressionnable mais, garde un sourire et une bonne humeur régulière. Il est là quand il faut, même si on ne le voit pas venir, oreille attentive et épaule sur laquelle se poser avec quiétude. L’homme ne semble pas juger, se choquer de rien – il se maitrise bien –, et se trouve même capable de donner des conseils, si ceux-ci peuvent être utile. Modeste, malgré sa profession et ses hobbies, Daquan n’a jamais eu l’ambition d’aider tout le monde, il sait qu’il en serait incapable. Néanmoins, s’il peut apaiser quelqu’un ne serait-ce qu’un minimum, c’est déjà ça de gagné. Positif, sans pour autant crier sa bonne humeur, l’adulte préserve une bulle de sérénité au sein de laquelle il vit et accueille toute personne ressentant le besoin de s’y installer, même provisoirement. On pourrait penser que Daquan s’oublie mais, c’est simplement qu’il ne parle pas de lui. Au contraire, il œuvre pour son confort et son bien-être, mais jamais il n’ira l’imposer à qui que ce soit. Il est peut-être trop doux, trop mou, c’est le genre de reproche qu’il a pu entendre, comme s’il manquait de caractère.

Pourtant, et comme tout humain, il existe des choses qui frustrent Daquan, tendent ses nerfs et l’énervent, ainsi que des désirs qui le portent. Mais il intériorise, Daquan, il garde au fond de lui et ce n’est peut-être pas la meilleure des manières de gérer son énervement. Ironiquement, il invite à l’inverse les personnes qu’il suit. Fait ce que je dis, pas ce que je fais. Ainsi, l’homme essaye d’être plus mature et raisonnable qu’il ne l’est en réalité. Être un sage modèle, ça lui plait au fond, plaisir coupable. Et il voudrait être plus, un père, par exemple. C’est un rêve profond depuis sa propre enfance, quand d’autres veulent être astronaute ou archéologue, lui, c’est de fonder une famille et d’être parent. Un rêve qu’il poursuit encore et toujours bien qu’il préfère le taire, il y a de quoi faire fuir beaucoup de personnes, s’il parait si sérieux. Ce n’est pas ce qu’il veut, il ne veut pas non plus se presser. Il sait juste qu’il veut y arriver, un jour. La famille, pour lui, c’est quelque chose de très important.

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Derrière l'écran

Histoire

Il a les Caraïbes dans le sang, son père d’Haïti et sa mère, de plus loin encore, parmi le millier d’îles d’Asie du sud. Un mélange épicé qui finit par, étrangement, plutôt bien se marier. Pourtant, Daquan l’aime, son Pittsburgh endigué de neige qui l’a vu naître. C’est un gars d’ici, Daquan, malgré ses origines. On pourrait croire que le médecin et l’infirmière – une histoire drôle, ces deux-là – sont juste venus là pour le mettre au monde. Ils vivaient bien, avaient envie des Etats-Unis, ainsi soit-il.

Petit bonhomme aux joues rondes, Daquan ne s’est jamais senti autre chose qu’américain et les rares voyages en Haïti et à Singapour – d’une prime jeunesse si reculée qu’il n’en garde que peu de souvenirs – pour visiter ses grands-parents n’auront fait qu’ajouter des couleurs supplémentaires au drapeau étoilé.

Un joli appartement sur South Shore puis, plus tard, une petite maison dans le même secteur, Daquan mentirait s’il affirmait avoir déjà manqué de quoi que ce soit. Si le métier de ses parents aura toujours été sujet à des horaires compliqués, ces derniers s’organisaient pour préserver un peu de temps pour leur fils, entre les roulements et les babysitter. Déjà tout bambin, Daquan était infiniment doux, le genre de môme peu violent, sans problème notable outre sa capacité quasi surnaturelle à retirer ses chaussettes en toutes circonstances. Il rit joyeusement et fait sourire, son père lui a appris à toujours aimer les autres et sa mère, à partager ses biens et son aide à ceux qui en ont besoin. C’est pas Daquan qui provoque les bagarres, en revanche, sa naïveté le pousse dans des situations peu croyables. Trop bonhomme, trop bonne poire, au final, c’est en comité restreint que le garçon se développe le mieux. Enfant curieux, admiratif, impressionnable, il aime les choses qui brillent, tant et si fort que ses parents sont bien obligés de lui offrir à noël, cette poussette à paillettes qui le faisait couiner d’appréciation. Daquan raconte qu’il veut être un papa aussi gentil que papa, une maman aussi forte que maman, il y a de quoi en rire.

Leurs proches ainsi qu’eux-même remarquent aisément que le garçon n’est pas attiré par les sports, même s’il apprécie l’extérieur. On s’amuse à théoriser qu’il étudiera bien, ou qu’il aura l’âme d’un artiste. Au final, personne n’a tort. Bon élève, Daquan se maintien dans la moyenne, sérieux, appliqué, mais sans désir d’atteindre l’excellence. Quand la compétitivité entre en jeu, à chaque fois, le garçon recule, ce n’est pas quelque chose qui l’inspire ou le motive. Il n’en a pas envie, tout simplement.

Dès que le garçon découvre les joies de la photographie, il s’en donne à cœur joie. Il serait prêt à parier que ses parents ont conservé des cartons plein de ses expériences et envies photographiques. Très tôt, ces derniers lui font d’ailleurs grandement confiance. Il peut rester seul ou sortir s’il les prévient de tout. Un système d’échange libre s’installe et, foncièrement, Daquan ne leur cache rien, ses parents ont bon esprit. Il n’y a que lorsqu’il leur confie être tombé amoureux d’un camarade de classe que le jeune adolescent commence à remettre en question cette liberté de conversation qu’ils possèdent tous. Daquan n’est pas fermé au monde, il lit des livres, regarde des films et des séries et sait que, dans ce genre de situation, les choses peuvent mal tourner. Cependant, quand il s’attend à voir de la colère, c’est l’inquiétude qui transparait à la place. Ils lui demandent s’il est homosexuel et il est incapable de répondre. Il aime quand même les filles. Il suppose. Rien n’est plus flou que l’adolescence. Les adultes lui conseillent de ne pas faire ça – mais faire quoi ? -, qu’ils ont assez voyagé et se sont assez renseignés pour savoir que ça n’attire que des problèmes. Au fond, ils ne veulent juste pas que leur enfant souffre. La finalité à tout ça n’est que plus trouble encore, quand une fille lui plait, sa mère dit ‘‘qu’il est revenu’’ et quand c’est un garçon ‘‘qu’il a replongé’’. Daquan n’est jamais parvenu à leur expliquer la notion de bi ou de pansexualité quand il a su ce dont il s’agissait.

Heureusement, il est assez discret sur sa vie sentimentale pour ne jamais subir de mauvaises expériences à ce propos. On le moque plutôt pour son manque de vivacité ainsi que sa taille ridicule – comme quoi, les noirs qui ne sont pas bon pour faire du basket, ça existe –, Daquan lui-même semble en rire. A l’université, rien ne change vraiment, outre qu’il découvre le régime moyen des étudiants – constitué principalement de pâtes aux pâtes –, de sales habitudes auxquelles il cherchera un moyen de remédier plus tard. Il tombe sur les différentes associations, et notamment une ayant pour porte-étendard les droits LGBT ainsi que la prévention sexuelle, Daquan s’en trouve curieux et le confortera, par la suite, dans l’idée qu’il désire poursuivre ce genre d’activités. C’est à l’université qu’il rencontre la plupart des amis qu’il possède encore aujourd’hui, c’est aussi l’endroit qui le forge sur ses convictions. Force d’avoir récupéré un jeune homosexuel passé à tabac, ou recueilli et assisté une jeune fille abusée pendant une des nombreuses fêtes du campus, c’est une vocation qui se forge. Plus d’une fois, ils se heurtent aux gardiens impassibles, assiste aux plaintes déclarées sans suite, il sait que s’inquiéter de la vie d’autrui ne rendra pas la sienne plus facile.

Ainsi, l’âge adulte vient le frapper en plein visage néanmoins, Daquan n’en démord pas. Fidèle à lui-même, c’est souriant qu’il se relève à chaque fois. Ses parents s’inquiètent toujours, bien évidemment, mais au moins, ils sont fiers qu’il mette son existence au service des autres. Ses relations sont toujours un sujet difficile, même maintenant qu’ils sont loin. Ils auront fini par retourner à Haïti, la belle île secouée par les vents leur manquait. Daquan, sa vie est ici et, s’il les appelle chaque semaine, il sait qu’il leur manque et c’est un sentiment réciproque. A chaque fois, sa mère espère qu’il trouvera une gentille fille, dans un sens, Daquan aimerait aussi, mais il est plus facilement bon ami que petit-copain.

Parfois, on lui demande comment il fait pour demeurer de si bon humeur. Daquan est conscient que ce n’est pas métier facile, s’il a essayé d’aider des personnes dans des situations terriblement dramatiques, il a vu aussi bien de beaux dénouements. L’heureuse fin qu’il souhaite à tout le monde.

Il espère simplement ne pas rater la sienne.

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