My dear friend | Ethan

Ca faisait plusieurs jours qu'on avait mit Jamie à la porte, quelques jours qu'il avait élu domicile dans le centre d'accueil pour jeunes, quelques jours qu'il avait perdu son sourire, son appétit, il parlait à peine, se nourissait peu, mais ça allait mieux. Le choc était passé, et il l'avait rencontré, cet homme, un peu plus âgé, sûrement intéressé, mais pas moins intéressant. Il ne savait pas vraiment dans quelle direction il irait avec lui, mais il avait envie de se laisser porter, de toutes façons, il n'avait plus personne pour lui dire quoi faire, il n'avait plus de parents sur le dos, il pouvait vivre un peu comme bon lui semblait.

Mais une chose était certaine, l'adolescent ne pouvait pas passer sa vie ici. Les bénévoles étaient déjà assez gentils de l'avoir hébergé, il ne pouvait pas continuer à abuser de leur hospitalité. Alors, au fond de lui, dans son cœur, il y avait cette angoisse qui persistait, il n'avait nulle part où aller. Il aurait pu profiter de ce Nolan, il aurait pu lui demander de l'héberger quelques jours, mais il ne voulait absolument pas que l'autre le prenne pour un déespéré, il voulait avoir l'air fort face à lui, car il se disait que les faibles n'avaient absolument rien d'attirant. De toutes façons, il ne pouvait plus se permettre d'être faible, il se devait d'avancer.

Il y avait encore des réunions au centre, et Jamie n'était pas tenu de s'y rendre, mais il se sentait à chaque fois obligé d'y aller. Il ne disait jamais rien, écoutait seulement, mais c'était sa manière à lui de remercier ceux qui l'avaient aidé, il espérait cependant trouver rapidement une solution.
Ce jour-là, il y avait pourtant quelque chose de différent. Quelque chose qui avait mis le jeune garçon terriblement mal à l'aise, quelque chose qui allait tout changer dans sa vie.
À travers tout ce monde qui parlait, assit sur des chaises, il avait reconnu ce jeune homme, Ethan. Il ne l'avait jamais vu en vrai, mais ça faisait longtemps qu'ils se parlaient. Ils avaient comméncé sur les réseaux sociaux avant de s'échanger leurs numéros, ils s'étaient plusieurs fois appelés, échangés des photos, ainsi, Jamie savait très bien à quoi le garçon ressemblait, cependant, à cause des récents évènements, il avait cessé de lui adresser la parole, c'était totalement contre sa volonté, ses parents avaient coupé son abonnement téléphonique. Il aurait pourtant bien eu besoin du soutien de son ami à ce moment-là. À choisir, il était probablement la seule personne avec qui il avait envie de parler, mais il se sentait terriblement gêné.

Gêné qu'il le retrouve ici, dans cet état, gêné de l'avoir peut-être inquiété, gêné, enfin, car il allait devoir lui expliquer tout ce qu'il s'était passé, et il avait peur que l'autre ait mal interprété son silence, qu'il ne veuille plus lui parler, il avait espéré que l'aîné ne le repère pas, mais il avait bien vu que l'autre le regardait.

La réunion se terminait enfin, et plutôt que de se faire la malle, le brun se décidait malgré tout à aller voir le garçon. Prenant son courage à deux mains, c'était d'un pas peu sûr qu'il se dirigeait vers lui, un peu timide, un peu honteux, son cœur tout entier palpitait. "Ethan..." Il avait du mal à prononcer les mots, même les plus simples, même les prénoms, car à chaque fois, sa voix semblait se déformer, et encore plus dans cette situation-là. "Ethan, je suis désolé." Il n'y avait rien à dire de plus que cela, de toutes façons, il n'avait pas encore la force de se justifier, de vraiment entamer une conversation. De manière assez étonnante, pourtant, il prenait le poignet de son vis-à-vis et le traînait en dehors du centre. Il se sentait oppressé, mal, il avait besoin de respirer, de voir la lumière du jour, lui qui était resté cloîtré. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée, dehors, on voyait encore plus son teint pâle et sa mine apeurée, triste, et épuisée.

Je vais au centre LGBT et comme souvent il y a masse monde en ville. En ce moment je ne peux m'empêcher de penser à mon petit poussin, il a complètement disparu de la circulation. Ça fait plusieurs fois que j'essaie de le contacter sur son mobile mais il ne me répond pas alors qu'habituellement il me répond dans la seconde à mes textos. Là plus de nouvelle. J'essaye donc de l'appeler une nouvelle fois et j'entends une voix féminine me dire que le numéro n'est plus attribué, je grimace aussitôt me disant que la situation est dramatique et je rentre dans le centre LGBT peu joyeux pour aujourd'hui.

A peine entré la réunion commence et je reconnais plusieurs têtes que j'ai l'habitude de voir, beaucoup discutent, je les écoute sans jamais prendre la parole. Ici certains me connaissent comme étant un mec qui se cherche et qui a eu beaucoup de problèmes dans ma présence histoire mais je ne leur ai jamais avoué ouvertement être gay.

J'écoute Brandon, un jeune gay d'une vingtaine d'années qui nous parle de sa nouvelle relation avec un type, je lui lance un regard chaleureux et c'est à ce moment-là que je reconnais à sa droite mon Poussin juste à côté de lui en vie et visiblement en bonne santé. Je suis heureux bien sûr mais aussi intrigué me demandant tout de suite ce qu'il se passe pour qu'il soit ici et non pas chez lui ou encore au lycée. C'est très étrange. Enfin non pas tant que ça, c'est Samedi donc qu'il ne soit pas au lycée n'a rien d'étonnant et qu'il soit en dehors de chez lui le weekend ce n'est pas surprenant...

Mais j'ignorais tout bonnement qu'il connaissait ce centre et encore plus qu'il venait aux réunions. Je le vois qui fuit mon regard et je fronce les sourcils me demandant ce qu'il lui arrive à mon poussin. Il ne fait pas ça habituellement. C'est la première fois qu'on se voit en face à face et je compte bien aller vers lui pour lui demander pourquoi ce silence, pourquoi il ne m'a pas donné son nouveau numéro. Je veux savoir ce que j'ai fait de mal pour mériter qu'il me snobe complètement parce que oui je me suis inquiété pendant tout ce temps.

La réunion prend finalement fin et je me lève près a aller voir mon petit oiseau mais avant même que j'ai eu le temps d'aller vers lui c'est Poussin qui vient directement vers moi en prononçant mon nom, me disant qu'il est désolé, je le fixe longuement en grimaçant alors qu'il me prend par le poignet me conduisant à l'extérieur. Une fois dehors je le scrute tout en finissant par l'attirer dans mes bras, rien qu'au son de sa voix je sens sa détresse et je comprends qu'il y'a un problème.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé bébé ? » Je demande tout en le relâchant le temps de le scruter un moment. « Et qu'est-ce que tu fais ici ? Raconte moi tout. » J'ajoute attendant des explications de la part de mon oisillon....

Il aurait préféré ne pas le croiser, il aurait préféré continuer à le fuir, car ainsi, tout aurait été bien moins compliqué, mais il se tenait là, devant lui, Ethan, et Jamie n'avait plus aucune autre solution que d'assumer. En réalité, il était plutôt heureux de le voir, mais aussi atrocement gêné, il ne savait plus où se mettre, il ne savait pas comment lui expliquer.

Sans réfléchir, le plus jeune l'avait emmené à l'extérieur. Il se sentait mieux, même si sa fatigue et son mal-être se lisait plus facilement sur son visage. Il se retrouvait face à lui et ne savait plus vraiment quoi lui dire. Il se sentait si mal à l'aise.
Ethan ne mit pas longtemps à lui poser des questions, questions auxquelles Jamie s'attendait. Sans surprise, il voulait savoir ce qui lui était arrivé, pourquoi était-il là. Il ne savait pas s'il allait avoir assez de courage pour tout lui expliquer, pour se remémorer le souvenir douloureux que ça avait été de ne plus pouvoir vivre chez ses parents, d'avoir été renié aussi durement. Il mit du temps avant de pouvoir répondre, s'adossait contre le mur du bâtiment, fouillait dans sa poche pour y récupérer une cigarette. Mauvaise habitude qu'il avait prise trop tôt, vraiment trop tôt. Il prit son temps pour l'allumer, et pour trouver ses mots, pour rassurer son vis-à-vis qui avait l'air tellement inquiet pour lui. Ca le touchait tellement, il pouvait enfin se dire qu'il comptait pour cette personne, ce n'était encore jamais arrivé auparavant. "Ils m'ont foutu dehors." Ses parents. Parents. Il ne parvenait même plus à prononcer ce mot. Il se raclait la gorge, y'avait une espèce d'amertume dans sa voix lorsqu'il avait prononcé cette phrase, il enchaînait, quand bien même c'était compliqué, quand bien même ça le faisait souffrir, il lui devait la vérité. "J'pouvais pas te joindre, ils m'ont tout coupé. Désolé."

Un soupir, la fumée s'envolait dans le ciel. Jamie aussi aurait eut envie de faire pareil, de s'envoler loin, si loin d'ici, à la place, ses pieds restés vissés au sol, il ne parvenait pas très bien à se mouvoir, il éprouvait déjà quelques difficultés à parler correctement.

"J'suis gay Ethan, c'est logique, j'aurais rien à faire ici sinon." Il l'avait dit avec une certaine lassitude. Il voulait s'en aller de cet endroit, pas parce qu'il s'y sentait mal, mais parce qu'il ne voulait pas être un poids. Il terminait sa cigarette, l'écrasait contre le mur, et jetait le mégot dans une poubelle. Il se retournait enfin vers Ethan. "Je sais plus trop quoi faire maintenant." Il avait prononcé cette phrase dans le plus grand des calmes, comme s'il n'avait pas peur, comme s'il lui disait ça, et qu'ensuite, il lui affirmerait qu'il allait gérer malgré tout, mais aucun autre mot ne vint à la suite de ceux-ci, et la vérité, c'était que Jamie angoissé, apeuré, il ne savait vraiment pas comment il allait faire pour s'en sortir, il n'avait jamais eu à se débrouiller tout seul.

Je suis posé là face à mon poussin et je le scrute longuement, je me demande ce qu'il se passe et ce que j'ai bien pu faire pour qu'il cesse de me parler. Comme si je n'avais jamais rien fais pour lui, comme si je n'existais pas. Il m'a souvent dit que j'étais son meilleur ami et qu'il avait besoin de moi. Est-ce que c'était réel ? Et si tel est le cas est-ce que ça compte toujours pour lui cette fameuse relation que nous avions ?

Je me le demande et là je le vois attraper une clope et l'allumer, je décide de faire de même en m'allumant une clope mentholée que je fous entre mes lèvres puis je l'allume tout en tirant dessus. Il me confie alors "qu'ils" l'ont foutu foutu à la porte. Il n'a pas besoin de me dire de qui il s'agit je comprends sans soucis de qui il parle et je grimace ne sachant pas quoi dire. Je suis écœuré qu'il se soit fait virer de chez lui par ses propres parents, c'est inacceptable. Il s'excuse ensuite me disant qu'il ne pouvait pas me joindre étant donné qu'ils ont tout coupés et je sens au son de sa voix que m'avouer tout ça est terriblement difficile pour lui donc je le serre tout simplement dans mes bras.

« Ça va aller Poussin... Je suis désolé.. » Dis-je sincèrement navré pour mon oiseau perdu.

Là à le voir comme ça j'ai l'impression de voir un oisillon qui est tombé de son nid et qui s'est cassé une aile et une patte, ça me fend le cœur de savoir tout ce qu'il a traversé alors que c'est encore un gosse. Mon poussin ne mérite définitivement pas ça et l'entendre me dire qu'il est gay, comme si je l'ignorais, et que c'est logique qu'il ne serait pas là si ce n'était pas le cas ça me brise encore plus.

« Oui je sais très bien... » Dis-je malgré tout encore secoué par cette vérité.

Je ne sais pas quoi dire ni même quoi faire, j'aimerai pouvoir faire quelque chose pour l'aider mais honnêtement je ne vois pas quoi. Il est malheureux ici et je le comprends d'à quel point il est lorsqu'il rouvre la bouche en me disant qu'il ne sait plus quoi faire maintenant. Rien qu'avec cette phrase je me dis que je dois prendre mes responsabilités à son égard. Nous avons toujours été très proches et il compte sur moi, il a besoin de moi alors c'est tout naturellement qu'une idée me vient soudainement en tête.

« Viens chez moi. Tu ne restes pas ici. On fera une coloc. Je suis plus avec l'autre donc on peut se poser ensemble, j'ai un nouvel appartement, il n'est pas très grand. Mais on y sera bien tous les deux. » Je dis, je ne lui demande pas vraiment son avis mais j'ai tout de même besoin de voir si ça lui va. « Enfin... Si ça te convient de vivre avec moi plutôt qu'ici bien entendu. » J'ajoute en le dévisageant longuement...